Page:Chevalier - Les Pieds-Noirs, 1864.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 292 —

de partir, je dois vous prévenir, Corbeau, que si vous venez avec moi vous récolterez plus de coups que de piastres, oui bien, je le jure, votre serviteur !

— Nick Whiffles, le Corbeau de la rivière Rouge n’a jamais été un lâche, quels que puissent être ses autres défauts.

À ce moment Calamité revint. Nick lui présenta des aliments ; mais il les refusa.

— Pauvre bête ! murmura Nick. Il est trop malade pour voyager. Il nous faut, néanmoins, avancer, pour nous tenir à l’abri des difficultés qui nous menacent.

— Et si j’allais voir un peu ce qui se passe, est-ce que ça ne vaudrait pas mieux ? demanda Tom.

— Je n’ose presque pas me fier à vous, car vous êtes malheureux dans vos reconnaissances. Cette étrange habitude que vous avez de battre des coudes et de croasser ne manque jamais de nous mettre en difficulté. Qu’est-ce que vous allez faire de cet animal ? En l’emmenant, vous laisserez une piste qui aidera diantrement un ennemi à nous suivre.

— Je couperai ma couverte et en attacherai les morceaux à ses pieds, répliqua Tom.

— Faites comme vous voudrez, mais, à votre place, je lâcherais la bête. Il y a ici de quoi fourrager pour elle.

— Va pour cette idée, répondit Tom, abandonnant le cheval. En avant, maintenant !

Calamité, qui se tenait sur ses hanches, s’élança aussitôt sur la piste. D’abord, ses pas furent légers, rapides, joyeux, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Mais ils ne tarderont pas à s’alourdir. Au bout d’une heure, le pauvre chien ne marcha plus qu’en boitant et en ayant de la peine à suivre son maître. La douleur était peinte sur le visage de Nick.

— J’entends du bruit, dit Slocomb. C’est derrière nous. Il faut que je voie ce que c’est.

Sans attendre une réponse, le Corbeau rétrograda. Mais, au bout de quelques minutes, il revint, et s’écria d’un ton ennuyé :

— Je veux être pendu si cet animal de cheval avec sa galerie de tableaux sur les flancs ne nous a pas suivis tout le temps !

— C’est malheureux, mais qu’y faire ? La pauvre bête n’aime sans doute pas la solitude. Tout conspire contre nous.