Page:Chevalier - Les Pieds-Noirs, 1864.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 290 —

— Votre dernière remarque sent son véritable trappeur. Un petit morceau de terre pour matelas, un bout de ciel bleu pour couverte sont de bonnes choses. J’en ai essayé pendant des nuits, des semaines, des mois et des années. J’étais né pour cette vie, oui bien.

— Donc vous êtes de la famille des Rôdeurs. Vous ne me paraissez guère propre à autre chose qu’à rôder, ce qui n’est pas un reproche, car un homme qui n’est pas un franc trappeur du Nord-ouest n’est rien.

— C’est très-bien. Mais ce n’est pas une raison pour écorcher mon nom.

— Est-ce que je suis fait comme les autres, moi ? Je suis une ligne de division, un grand phénomène naturel, un épouvantable fléau, une catastrophe finale ! Je vais à l’est et je vais à l’ouest, au nord, au sud, et je ne me soucie de personne. Je suis la terreur de la terre ! Je suis seul et inabordable ! un ours arctique, un cheval de mer, un rhinocéros monstre, le roi des chats sauvages, le terrible Corbeau de la rivière Rouge ! Couah ! couah !

— Avez-vous aperçu quelques signes de Peaux-rouges ? s’enquit Nick, en s’étendant sur le sol.

— Oh ! j’en tue plus ou moins chaque jour, répondit tranquillement Tom.

— Silence, corbeau ! et conduis-toi comme une créature humaine. Je ne suis pas venu ici pour rien. Je cherche cette fille. Calamité et moi avons entrepris la besogne, et nous voulons la terminer, s’il nous reste assez de temps avant l’heure où nous serons appelés à lever les fers en l’air ; nous ne voudrions pourtant pas lâcher, ô Dieu, non !

— Je sais que vous êtes le véritable piéton du Nord ! Vous avez assez d’esprit pour un homme seul ; connu ! Mais votre chat sauvage n’a pas les yeux aussi clairs que d’habitude.

— Non, dit tristement Nick ; il a perdu l’appétit et s’en va de jour en jour. Cependant, il tient bon encore et fait de son mieux. Hier matin, il a flairé une piste et ne l’a pas quittée une minute depuis ; je parierais que c’est la bonne. Eu premier lieu, voyez-vous, je lui ai montré des vêtements de la fillette, pour lui faire comprendre ce que je voulais. Il les a sentis et m’a dit : Je sais. Nous sommes partis, comme ça ; il s’est mis sur la trace. J’en suis certain. Mais ça me fait de la peine de le voir marcher, courir avec