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CHAPITRE XLII

Nick et Calamité


Le Corbeau de la rivière Rouge avait une aversion enracinée pour les établissements des blancs. Son chez lui, c’était le désert. Pour maison, il lui fallait le Nord-ouest, pour plafond le ciel, pour plancher le sol. Il n’éprouvait jamais le mal du logis, parce qu’il n’était jamais hors du logis, excepté quand, un moment, du haut d’une éminence, il jetait un coup d’œil sur les habitations éloignées. Tom trouvait tout ce qui était nécessaire à son ménage dans sa vaste demeure ; le bois pour faire la cuisine, et se chauffer quand le temps était rigoureux, le poisson et la viande pour satisfaire son appétit quand il avait faim, une couche de branchages ou de gazon pour se reposer, avec la nuit pour rideau quand il était au lit. Le Corbeau avait un grand, très-grand établissement, exempt de loyer et de taxes. Ses relations de famille étaient aussi très-étendues, puisqu’il formait le lien d’union entre deux races d’hommes. Blancs et rouges étaient ses frères ; chose singulière pourtant, il n’entretenait aucun compagnonnage dans le genre humain. Ses plaisirs et ses peines, ses craintes et ses espérances, il les tirait des chambres de son cerveau. Il avait une tendresse naturelle pour ce qui avait forme de cheval ; ses idées étaient très-élastiques à l’égard de cette espèce de propriété. Pour lui, la nature avait fait les chevaux comme elle avait fait les arbres, et il se croyait autant de droit de couper les uns que de prendre les autres. Tom ne pouvait comme de raison, rester long-