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races ne pouvait se perdre. Cette petite vermine rouge (vous l’appelez Le Loup, je crois), refusa de nous secourir, vous vous rappelez ? Nous allions donc nous secourir nous-même, quand un grand gaillard arriva au milieu de nous, et avec force « tu et toi » nous délivra, sans autre mal que les écorchures faites par les cordes à nos poignets et à nos chevilles.

— Et Nick Whiffles aussi ? s’enquit Kenneth réjoui de cette nouvelle.

— Nick Whiffles et le trappeur qui était avec lui. Ils se sont sauvés, monsieur, et ils sont bien, à moins qu’ils ne soient, depuis, tombés dans un autre guêpier, ce qui se pourrait, bien, car ils méditaient une sorte d’expédition quand je les quittai. À vrai dire, ils ne semblaient pas charmés de ma compagnie ; c’est pourquoi nous nous séparâmes.

— Quelle route ont-ils prise ? demanda Kenneth.

— C’est plus que je ne puis dire, car je ne le sais pas, monsieur, et je ne pense pas qu’ils le sachent eux-mêmes. Ils parlaient de celle jeune femme. Mais si vous m’avez adressé assez de questions, il serait mieux pour vous de venir me chercher.

— Comment avez-vous abordé à cette île ? interrogea encore Kenneth, dirigeant le radeau vers le rivage.

— Sur le dos des animaux.

— Quels animaux ?

— Les chevaux, donc !

Quels chevaux ? demanda le jeune homme de plus en plus intrigué.

Avant de répondre, le Corbeau de la rivière Rouge croassa vigoureusement. Calamité lui répliqua comme d’ordinaire.

— Cela me fait diantrement du bien de pousser un couah naturel. Oh ! serpents à sonnettes, je suis plein de puissance ! On me poursuit. J’ai une fière histoire à raconter. J’ai eu la plus grande aventure dont vous ayez entendu parler. J’ai enlevé plus de quarante tètes de chevaux, la nuit dernière.

— Eh ! eh ! c’est quelque chose. Vous êtes un fameux atout, étranger. Comment avez-vous fait cela ? dit Saül avec un vif intérêt.

— Je sais le tour. Il n’y a pas un cheval courant sur ses quatre pieds que je ne puisse voler. Vous saurez donc que les vils reptiles