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CHAPITRE XXIV

Les choses prennent une autre tournure


Sylveen, laissée seule, s’enfonça dans le coin le plus sombre de la salle. Un feu pétillant brûlait contre une des parois de la roche, et la fumée s’échappait avec peine à travers une étroite ouverture pratiquée en haut de la pièce. On voyait çà et là, pendus ou gisant à terre, des ustensiles de cuisine. La tranche de venaison qu’Hagar avait préparée pour le pseudo-prêtre, se carbonisant sur les charbons, répandait une odeur nauséabonde. Sylveen remarqua ces choses parce qu’elle ne put faire autrement, car l’œil humain prend toujours connaissance de ce qui l’environne immédiatement, bon gré mal gré, si d’impénétrables ténèbres ne lui cachent pas les objets tangibles et visibles.

La jeune fille était, on le conçoit, plus légère et respirait plus aisément que dans son cachot. L’espérance l’embrasait de ses magnifiques clartés. Elle prêta l’oreille au son des pas de Nick Whiffles, comme l’on écoute une musique qui s’éloigne, et soupira quand ils cessèrent de se faire entendre. Désintéressée et pleine de générosité, elle trembla pour le trappeur bien plus que pour elle. Elle songeait à lui et priait pour son salut, quand une femme se montra. C’était Nay-wa-da-ha. Elle arriva sur la pointe du pied jusqu’à Sylveen, toute stupéfaite de cette brusque apparition, et lui dit :

— Ne craignez rien. Pas de mal, pas de mal !