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CHAPITRE XXII

L’Indien et le prêtre


Mark Morrow commença à causer du sujet qui l’intéressait le plus. Le père Louis l’écouta avec une sorte d’attention stupide. Faisant à son auditeur la description de Sylveen, le premier analysa ses charmes avec l’enthousiasme complaisant d’un homme passionnément épris. La symétrie de sa personne, la grâce de ses traits, la vivacité étincelante de ses yeux, les séductions de son intelligence reçurent tour à tour de chaleureux éloges.

— Je prévois la conclusion, dit le missionnaire, en l’interrompant, vous êtes amoureux de cette jeune fille.

Morrow avoua qu’il l’aimait. Le whiskey avait fondu sa réserve, et il avait peu de scrupules à s’épancher dans le sein d’un confident. L’homme, rusé comme un renard une heure auparavant, déployait maintenant la naïveté de l’écolier. Les peines, les joies, les espérances et les déceptions coulaient par torrents de ses lèvres dans les oreilles du prêtre. Il se plaignit amèrement de la cruauté de Sylveen. Lui — Mark Morrow — avait droit à ses égards. Ne l’avait-il pas choisie entre toutes les autres ? Pourquoi le repoussait-elle ? Il jouissait cependant de privilèges qui auraient dû être respectés. Mais ils ne l’avaient pas été. Au contraire : on les avaient méconnus. Il essaya de prouver qu’il était une victime, immolée par les caprices de Mlle Vander. Plus il buvait, plus ses maux lui devenaient cuisants. Les misères de son cœur flottaient sur les fumées du whiskey.