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CHAPITRE XX

Le Missionnaire


Nous laissons écouler un intervalle de plusieurs jours. Au bord d’un petit lac, se tient un homme d’une stature athlétique ; son costume annonce plutôt un ecclésiastique qu’un trappeur. Il porte une blouse lâche ou froc d’étoffe grossière, retenu à la taille par une ceinture de cuir. Quoique substantiels, ses mocassins sont très-simples. Il a la tête couverte d’une petite calotte de drap à peine assez large pour les fonctions qu’elle est destinée à remplir. Son aspect général prouve qu’il n’attache pas une grande importance à la toilette, quelles que puissent être ses dispositions pour les grâces spirituelles. À l’exception d’un coutelas pendu à sa ceinture, il paraît ne point avoir d’armes. Une croix descend de son cou, par une petite chaîne d’acier, jusque sur sa poitrine. Une besace, au ventre grassement arrondi, est jetée sur son dos. Ses traits sont accentués et réguliers : leur expression est grave, réfléchie. Tandis qu’il contemple alternativement le lac et les cieux, un canot d’écorce double un petit promontoire à sa gauche, et aborde sur la grève sablonneuse, près de lui. Cette embarcation contient deux personnes : l’une assise à la poupe a de larges épaules, un extérieur anguleux, et un visage rien moins qu’avenant, perdu sous une chevelure et une barbe rousses luxuriantes ; c’est Chris Carrier. L’autre est Mark Morrow ; la vue de l’étranger semble lui être désagréable.