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trices. Pressant le pas de sa monture, il eut bientôt atteint le petit monticule où se dressait naguère la tente de Sylveen. Mais vainement chercha-t-il la trace de cette tente. Elle était perdue dans les longues herbes foulées, les arbustes renversés, et les cadavres de trois trappeurs au-dessus desquels planait une troupe d’oiseaux de proie. Inutile de dire que ces cadavres étaient scalpés et mutilés.

S’associant aux douloureuses réflexions de son maître, le cheval poussa un long hennissement. Kenneth se mit à rôder de côté et d’autre, pour voir s’il n’y aurait pas des blessés à secourir ; mais il n’aperçut que quelques corps d’Indiens, que leurs camarades n’avaient point vus sans doute, car ils les auraient ramassés et emportés suivant leur coutume. En examinant ces corps, Kenneth remarqua que plusieurs portaient l’empreinte du lueur mystérieux ! « Quoi ! partout cette hache terrible et silencieuse ! » se dit-il en lui-même. Puis, voulant faire une dernière tentative, avant de quitter ce théâtre de désolation, il appela à plusieurs reprises, dans l’espoir qu’un trappeur blessé pouvait s’être caché dans les broussailles. D’abord l’écho seul répondit à sa voix ; mais au quatrième ou cinquième cri, il entendit un son humain parti d’une faible distance. Voler vers ce point est pour Kenneth l’affaire d’une seconde. Le son le conduit ; il avance et trouve le vieux Saül Vander, le guide, assis au pied d’un arbre, mais dans quel état ? L’infortune était couvert de blessures ; il n’avait rien pris depuis l’avant-veille ; une soif ardente lui desséchait le palais.