Page:Chevalier - Les Pieds-Noirs, 1864.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 125 —

caché dans le feuillage. Sa surprise redoubla quand il reconnut que c’était son propre cheval, avec son fusil et ses pistolets fixés à la selle. Il mit la main sur ses chères armes, avec un sentiment de joie que seul comprendra un chasseur.

— Cœur-de-Panthère, dit Le Loup, je vous ai prouvé qu’un misérable Indien peut se vanter de cette humanité dont vous, hommes blancs, êtes si vains. Vous avez vos idées, j’ai les miennes. Vous m’avez reproché, il n’y a pas longtemps, de vous payer de votre générosité par un coup de couteau ; vous avez épargné ma vie et vous vous êtes dit : « Je suis supérieur aux hommes rouges. » Voici vos armes et votre cheval ; j’y ajoute un autre présent : la vie. Cœur-de-Panthère, Le Loup n’est plus votre débiteur. Tout le pays du nord s’étend devant vous ; allez ! et rappelez-vous l’adieu du Loup.

Kenneth Iverson sauta à cheval, rassembla ses rênes et demanda à l’Indien :

— Dis-moi, avant que nous ne nous séparions, qui a combattu et qui est tombé durant la nuit dernière ?

— Nul ne s’est enfui avant d’avoir combattu, et nul n’est tombé avant d’avoir frappé un ennemi. Les visages pâles ont été vaincus.

— Encore une question, reprit Kenneth. Qui a tué la sentinelle en faction à l’entrée du camp ?

— Amant de Lever-du-soleil, tu en demandes trop, repartit lestement Le Loup. Que cette étoile te serve de guide et que le vent ne te surprenne pas !

Les yeux d’Iverson percèrent l’arche de verdure formée sur sa tête, et il aperçut la glorieuse étoile polaire.

Quand il se tourna, l’indien avait disparu.

Cette route, pensa le jeune homme, me conduira au camp de la nuit dernière. Il faut que je le retrouve. Je puis y apprendre des nouvelles de mes amis.

Piquant des deux, il s’éloigna au grand trot. La pluie avait cessé de tomber, et il faisait assez clair pour que Kenneth pût s’orienter sans trop de difficulté. On croira aisément que la crainte d’être poursuivi allait en croupe derrière lui. Plus d’une fois il s’imagina ouïr le piétinement des chevaux, et plus d’une fois il prit le rugissement des bêtes fauves pour le hurlement des Pieds-noirs.

Au point du jour, il arriva au lieu qu’il cherchait. Les premiers rayons du soleil levant lui découvrirent, certaines marques indica-