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Un des chefs piqua le Corbeau avec la pointe de son coutelas, ce qui fît faire au pauvre homme un bond prodigieux accompagné d’un rugissement de taureau. Les Indiens riaient aux éclats de cette scène. Slocomb ensuite exhala son indignation par des milliers d’épithètes extravagantes et qui augmentèrent l’hilarité de ses persécuteurs. Le chef, à la fin, dit quelques mots à ses guerriers qui s’emparèrent aussitôt du malheureux Corbeau de la rivière Rouge et le ficelèrent comme un paquet de viande boucanée. L’ayant jeté près des autres prisonniers, les sauvages s’éloignèrent.

Le Loup apporta de l’eau à Kenneth qui but avidement.

— Donne-m’en un peu, car ma langue est ardente comme un tison, dit Nick.

Le jeune Indien ne fit pas attention à la requête, et Nick fut forcé de satisfaire sa soif en prodiguant à Le Loup les plus outrageantes injures qui lui vinrent à l’esprit. Les captifs entamèrent ensuite une conversation sur leur position.

— Nous n’avons, dit Kenneth, d’autre ressource qu’à préparer nos esprits à toute sorte de tortures.

— Et nos corps aussi, riposta Nick. S’ils se contentaient de nous trancher la tête d’un seul coup ce ne serait pas si mal ; mais ils nous harasseront de difficultés, oui bien, je le jure. Le feu, voyez-vous, c’est une malédiction pour le genre humain ; il serait à souhaiter qu’on ne l’eût jamais inventé. Vous les verrez, tout à l’heure, danser autour de notre bûcher, les bandits ; et il fera chaud, je le jure, oui bien, votre serviteur !

— S’il ne s’agit que d’affaires humaines, je me moque de leurs bâtons aiguisés ; mais étant le seul de ma race, il ne me plairait pas d’être tiraillé de la sorte. Si les misérables n’étaient pas aveugles, ils s’apercevraient bien que je suis leur ami, dit Tom d’une voix dolente.

— Oh ! vous êtes trop bon pour être rôti, n’est-ce pas ? dit Nick d’un ton moqueur.

— Ce n’est pas le temps de récriminer, observa sérieusement Kenneth. Il vaudrait mieux nous disposer à la mort et aux supplices qui nous attendent.

— Vous le pouvez faire, mais moi jamais, tant que je vivrai ! répliqua énergiquement Nick. Je de ne veux pas mourir, c’est un fait. Je ne suis pas de ceux qui faiblissent. Je veux rester attaché à la terre.