Page:Chevalier - Les Pieds-Noirs, 1864.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 100 —

vous ne pouvez vous méprendre sur les avertissements de celui-ci, s’écria vivement Sylveen.

— Cet animal sait ce qu’il y a dehors ; mais ça ne m’inquiète guère. Cependant, puisque vous en êtes affectée, je sortirai pour voir ce que c’est.

— Il y aurait du danger, car les Indiens vont toujours par bandes. Le plus léger bruit vous trahirait et vous succomberiez sous leurs coups.

— Le Seigneur vous bénisse, jeune fille ! Tom Slocomb est-il un enfant dans ces sortes d’affaires ? Est-ce la première fois qu’il est exposé ? Ces vermines crasseuses n’ont-elles pas passé des nuits à rôder autour de moi ? Ne les ai-je pas entendues hurler et sur les montagnes et dans les prairies ? Soyez tranquille, mon ange ; et comptez sur un homme qui, comme moi, a parcouru les solitudes depuis le Nebraska jusqu’à la baie d’Hudson, et en sait plus long que tout le monde ensemble. Seulement, faites taire votre chat-sauvage.

— Silence, Calamité ! cria Sylveen.

— Maintenant que votre petite bouche soit aussi hermétiquement close qu’une corne à poudre, dit Tom qui écarta doucement la porte et écouta.

— Chut ! murmura-t-il encore.

— Ne laissez point passer le chien ; je veux qu’il reste avec moi, dit Sylveen.

Slocomb se glissa hors de la hutte. Pendant quelques minutes on ne l’entendit plus. Ces minutes semblèrent terriblement longues à Sylveen. Elle s’approcha de la porte, jeta, à l’extérieur, un coup d’œil timide. La nuit était d’un noir impénétrable. Ne pouvant rien distinguer, notre héroïne allait se retirer, quand un grand fracas, accompagné de piétinement et de froissement de branchages retentit. Calamité s’élança comme un trait dans cette direction.

Bientôt, Tom Slocomb reparut. Il était échauffé et tenait à la main un couteau de chasse maculé de sang.

— Les Peaux-rouges sont dans les environs, c’est sûr, dit-il ; j’en ai trouvé un là-bas et lui ai donné sa dernière maladie. Si j’eusse été seul, j’aurais pu aller loin sans me battre ; mais pour vous, je me mettrais en quatre. Ma tulipe, je suis le grand Ours