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tion absolue contre l’innovation, la grande entreprise à laquelle la France et la civilisation occidentale ont consacré, depuis cette époque, tant d’efforts, tant de génie, tant de trésors, tant de sang et de larmes, du même coup serait frappée d’anathème.

Il ne faudrait pas dire que l’entreprise de 1789 est terminée. Hélas ! il n’est que trop vrai pour notre repos, elle ne l’est point. La preuve que le problème qui fut posé par nos pères, et qu’ils s’étaient flattés de résoudre en quelques instants, n’a pas encore sa solution complète, je la trouve écrite en caractères lugubres dans ces catastrophes périodiques qui depuis soixante ans n’ont pas cessé de bouleverser notre sol et de renverser les Constitutions politiques les unes sur les autres. Une société qui a trouvé son assiette n’est pas sujette à ces terribles retours : un mécanisme social en équilibre est exempt de ces perturbations répétées. Et quoi de surprenant, quand on s’est lancé sur une mer inconnue, qu’on n’arrive pas le même jour au port ?

Le genre humain est éminemment chercheur de nouveautés, c’est ce qui le distingue de tout le reste de la création. Il l’est parce que Dieu lui a donné l’intelligence, tandis qu’il n’a accordé aux autres êtres que l’instinct. Mais il faut distinguer entre l’innovation qui ne s’attache à introduire des changements que dans les faits naturellement mobiles, ou qui développe graduellement l’application des grands et salutaires principes, et celle qui entreprend de changer des choses essentiellement immuables. Quand Archimède disait que, si on lui donnait un point fixe, il se chargeait, lui faible mortel, de remuer la planète, il donnait, sans y penser, un avertissement à tous les novateurs à venir. À eux aussi, pour les mouvements qu’ils méditent, il faut des points fixes. Ces points fixes, on ne peut les trouver que dans les données essentielles de la nature hu-