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L’homme qui souffre, et à qui il tarde de changer de sort, est prompt à se prendre de passion pour les programmes où il lit d’éblouissantes promesses à courte échéance. De jeunes âmes faciles à enflammer et dépourvues d’expérience franchissent aisément dans leurs généreux transports, la limite qui sépare le monde des réalités de celui des chimères, et se prennent bientôt d’enthousiasme pour des plans dont il ne peut sortir que des déceptions. C’est ainsi que l’impatience des esprits a mis en vogue les projets les plus vains. L’imagination française, par sa vivacité, et par le goût qu’elle a pour l’impossible, de préférence à ce qui n’est que difficile, a poussé vivement dans le même sens.

Mais puisque j’ai comparé à l’alchimie les systèmes qui se sont produits avec la prétention de changer complètement la société, il faut que je justifie mieux cette comparaison. Avant tout, qu’ai-je besoin de dire qu’ici je ne mets en suspicion la sincérité de personne ? Du moment qu’on entre en discussion, on admet la bonne foi de ses adversaires. Au surplus, les alchimistes aussi étaient de bonne foi, mais ils s’abusaient étrangement. Or, comment et en quoi s’abusaient-ils ?

Leur imagination, qui était échauffée, elle aussi, par le désir d’améliorer la condition de leurs semblables, avait transporté leurs âmes dans des régions où elle avait perdu de vue la loi contenue dans les solennelles paroles adressées au premier homme, à l’instant qu’il sortit du paradis terrestre pour entrer dans la demeure où nous vivons après lui : Tu travailleras à la sueur de ton front.

Il y a sous cette simple formule de la Bible un enseignement de la moralité la plus vaste. Elle signifie en effet : Tu achèteras par des efforts l’accomplissement des destinées que je te réserve. Si mon indulgence permet à tes descendants de jouir de quelques biens, d’avoir de la