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à reconnaître que la panacée qui devait faire le bonheur des hommes en transmutant les gouvernements, était sans vertu, le public se mit en quête d’une autre pour laquelle il pût se passionner, et bientôt les doctrines qui se proposent de changer la société elle-même se propagèrent avec une rapidité dont vous avez vu les effets.

Qu’il y ait une liaison entre la forme du cadre social et le bonheur des individus dont la société se compose, ce n’est pas ce que je veux contester : l’esclavage, qui était la base des sociétés grecque et romaine, et le servage, qui du temps de la féodalité y avait été substitué, n’offraient, même alors, au plus grand nombre des hommes, qu’infiniment peu de chances de bonheur : l’un et l’autre, aujourd’hui, seraient d’affreuses tyrannies. Si donc les novateurs se contentaient d’affirmer qu’il existe un lien entre la forme de la société et le bien-être des individus, ils ne diraient rien que de vrai ; ils pourraient vivre en bonne intelligence avec l’économie politique, ils s’appuieraient, de même qu’elle, sur l’observation et sur le raisonnement. Mais ils ont de bien autres affirmations. Chaque école, chaque fraction d’école a ses idées arrêtées et exclusives, et l’adoption de son système est à ses yeux la condition absolue de la félicité des humains, comme aussi le système doit suffire, par sa vertu intrinsèque, à résoudre le grand problème.

Ainsi, chaque école, chaque fraction d’école, se présente avec sa panacée sociale, qui contient le secret de rendre le peuple heureux infailliblement, de même que Paracelse portait dans le pommeau de son épée la sienne, qui était la guérison certaine de toutes les maladies. C’est donc, comme dans la doctrine des alchimistes, le surnaturel appliqué au traitement des maux de la société.

Ce caractère bizarre a pourtant servi les systèmes téméraires que récemment on a prêchés, au lieu d’y nuire ; par des raisons diverses, il a séduit diverses parties du public.