qu’un mouvement de rotation dans un cercle d’erreurs, en délaissant la croyance à la pierre philosophale des chercheurs d’or, en abjurant la foi en la panacée universelle que composaient les alchimistes pour la guérison de tous les maux auxquels notre corps est sujet, on s’est mis à croire à d’autres spécifiques non moins surnaturels. C’est ainsi qu’on s’était persuadé, dans le siècle passé, qu’il n’y avait qu’à adopter certaines formes de gouvernement, inspirées par ce qu’on croyait être la raison pure, pour rendre les hommes heureux.
Par l’influence de l’esprit français, cette opinion domina en Europe, à la fin du dix-huitième siècle, parmi les hommes dont la pensée était tournée vers la politique et vers l’amélioration du sort de leurs semblables. Elle demeura très-puissante pendant le premier quart du dix-neuvième. Alors cependant quelques esprits d’élite commencèrent à penser et à enseigner que le plus pressé n’était pas de bouleverser les gouvernements, qu’il ne fallait point voir dans ceux-ci la principale cause des maux dont souffraient les hommes. Les nations, disaient-ils, sont la matière dont les gouvernements sont faits. C’est de leur sein qu’ils sortent, dans leurs entrailles qu’ils se renouvellent. Si donc il y a des vices dans un gouvernement il est à croire que c’est le reflet même de vices nationaux. Cette idée qui, sans méconnaître la supériorité générale de certaines formes de gouvernement sur certaines autres, subordonnait pourtant les changements politiques aux progrès réels de la moralité publique et des lumières, était trop juste pour ne pas faire peu à peu son chemin[1]. Mais voyez l’infirmité de l’esprit humain ! quand on commença
- ↑ Ici je tiens à nommer l’homme qui le premier, à ma connaissance, a exprimé et motivé cette pensée : c’est M. Charles Dunoyer. Il l’a produite notamment dans un ouvrage qui a paru en 1825, sous ce titre : L’industrie et la Morale dans leurs rapports avec la Liberté, et qui depuis a été refondu dans son important ouvrage de la Liberté du Travail.