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montrer, il serait à croire qu’elles ne sont pas en harmonie avec la nature humaine, car toute idée sociale de quelque portée, qui est réellement conforme à notre nature, a dû se manifester plus ou moins presque dès l’origine des temps.

Fort heureusement donc pour leur avenir, les principes de liberté et d’égalité n’étaient pas des nouveaux venus quand ils furent inaugurés par les penseurs du dix-huitième siècle d’abord, par le législateur ensuite. À leur égard, la religion et la philosophie avaient pris les devants, et de longue main.

La liberté est de l’essence de toute religion et de toute philosophie dignes de ce nom, puisque toute religion et toute saine philosophie enseignent à l’homme qu’il est responsable. L’homme n’est responsable que parce qu’il a son libre arbitre. Les difficultés matérielles de la société à son début, l’imbécillité intellectuelle et morale d’une grande partie du genre humain à l’origine, avaient rendu nécessaire, pendant une suite de siècles, que la liberté demeurât voilée pour un grand nombre d’hommes, et même que la jouissance en fût réservée à une petite minorité ; mais, à mesure que la société, être collectif et perfectible, a marché dans la voie de ses destinées progressives, de nouvelles personnes, de nouvelles classes ont pu être et ont été initiées à la liberté sociale, qui comprend la liberté politique et la liberté civile, dans la mesure où elles pouvaient en porter la responsabilité. Le Christ déchira le voile, afin que la liberté apparût, au moins dans une perspective lointaine, au monde tout entier. Ainsi, messieurs, il y a dix-huit cents ans que la liberté fut promise à tous les hommes, à condition qu’ils s’en montrassent dignes, c’est-à-dire qu’ils fussent en état d’en pratiquer régulièrement les devoirs.

Pareillement, il y a une grande charte du genre humain qui garantit à tous les hommes l’égalité civile ; elle remonte bien haut, bien au delà de la magna Charta de nos voisins d’outre-Manche. Quand le divin législateur eut enseigné que tous les hommes étaient frères, enfants d’un même Dieu, il fut inévitable qu’un jour les codes politiques des États admissent l’égalité de tous devant la loi ; car la religion a pour l’un de ses caractères qu’en même temps qu’elle rend compte aux hommes de ce qui existe parmi eux, et les résigne à le supporter, elle les porte peu à peu à la hauteur des institutions plus parfaites qui doivent fleurir un jour, en habituant les âmes à se tenir à ce niveau. Je crois profondément au principe de l’égalité civile, parce que j’en trouve le germe, non-seulement dans l’Évangile, mais aussi dans la Genèse, qui, du point de vue mondain, est le plus ancien des monuments authentiques de l’histoire. Le germe devint un grand arbre, une fois que le christianisme fut établi, puisque, de ce moment, il y eut parmi les hommes une nombreuse et puissante hiérarchie, fondée sur l’égalité véritable de tous les hommes, quelle que fût leur naissance.