Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ni d’explications, il parla comme on parle à un vieux collègue.

— En nous dirigeant tout de suite vers Leicester Square, dit-il, nous arriverons juste à temps pour déjeuner. Dimanche tient beaucoup à déjeuner de bon matin. Avez-vous dormi ?

— Non.

— Moi non plus, répondit l’autre d’une voix égale. Je tâcherai de dormir après déjeuner.

Il parlait avec une civilité négligente, mais d’une voix extrêmement monotone qui faisait un vif contraste avec l’ardeur fanatique de sa physionomie. On eût juré qu’il s’acquittait de ces gestes et propos de bonne grâce comme d’insignifiantes obligations, et qu’il ne vivait que de haine. Après un silence, il reprit :

— Sans nul doute, le président de la section vous a dit tout ce qu’il pouvait vous dire. Mais la seule chose qu’on ne puisse jamais dire, c’est la dernière idée de Dimanche car ses idées se multiplient comme les végétations d’une forêt tropicale. Pour le cas où vous ne le sauriez pas, je vous dirai donc qu’il a résolu de nous cacher en ne nous cachant pas du tout. Au début, naturellement, nous nous réunissions sous terre, dans une cave, comme font les membres de votre section. Puis, Dimanche nous convoqua dans un cabinet de restaurant. Il disait que, si nous ne paraissions pas nous dissimuler, personne ne se défierait de nous. Je sais bien qu’il n’a pas son pareil au monde ;