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portait cette inscription : « La Dernière Croisade », et un numéro ; c’était le signe de son autorité. Il la plaça soigneusement dans la poche supérieure de son gilet, alluma une cigarette et se mit à la poursuite de l’ennemi à travers tous les salons de Londres.

Nous avons vu où son aventure finit par l’amener : vers une heure et demie, une nuit de février, il voyageait dans une légère embarcation sur la Tamise. Armé de la canne à épée et du revolver, il était le Jeudi régulièrement élu au Conseil Central Anarchiste.

En s’embarquant sur le petit vapeur, il lui sembla qu’il abordait dans quelque chose d’entièrement neuf, non pas seulement dans un nouveau pays, mais dans une nouvelle planète. Cette impression lui venait sans doute de la décision insensée mais irrévocable qui venait de modifier sa destinée ; le changement du ciel et du temps, depuis qu’il était entré, deux heures auparavant, dans la petite taverne, y était aussi toutefois pour quelque chose. Plus de traces de plumages affolés : seule et nue, la lune régnait dans le ciel nu. Une lune puissante et pleine, plutôt comparable à un soleil pâli qu’à une lune normale ; et cela suggérait l’idée d’un jour mort plutôt que celle d’une belle nuit de lune. Sur tout le paysage se répandait cette décoloration lumineuse et irréelle, ce crépuscule de désastre que Milton a observé pendant les éclipses de soleil. En sorte que Syme se confirma dans