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ayant l’honneur d’être un peu dans les confidences du chef dont je vous ai parlé. Voulez-vous venir le voir ? Ou plutôt je ne dis pas que vous le verrez, personne ne l’ayant jamais vu, mais vous pourrez causer avec lui, si vous voulez.

— Par le téléphone, donc ?

— Non. Il a la fantaisie de vivre dans une chambre très obscure. Il dit que ses pensées en sont plus lumineuses. — Venez avec moi.

Passablement abasourdi et considérablement intrigué, Syme se laissa conduire jusqu’à une porte ménagée dans le long corps de bâtiment de Scotland Yard. Sans presque se rendre compte de ce qui lui arrivait, il passa par les mains de quatre employés intermédiaires et, subitement, il fut introduit dans une pièce dont l’obscurité totale fit sur sa rétine une impression identique à celle de la plus vive lumière. Car ce n’était pas cette obscurité ordinaire où les formes s’estompent vaguement : Syme eut la sensation qu’il venait d’être frappé de cécité.

— C’est vous la nouvelle recrue ? interrogea une voix puissante.

Et, mystérieusement, bien qu’il ne pût percevoir dans ces ténèbres l’ombre même d’une forme humaine, Syme eut conscience de deux choses : d’abord, que la voix était celle d’un homme de massive stature, puis, que cet homme lui tournait le dos.

— C’est vous la nouvelle recrue ? répéta le