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— Certes ! dit Syme, l’occasion est rare et précieuse. Pourtant, je ne comprends pas encore tout à fait. Je sais comme tout un chacun que le monde moderne est plein de petits hommes sans lois et de petits mouvements insensés. Mais tout dégoûtants qu’ils soient, ils ont généralement le mérite d’être en désaccord les uns avec les autres. Comment pouvez-vous parler d’une armée organisée par eux et du coup qu’ils sont sur le point de frapper ? Qu’est-ce que cette anarchie-là ?

— Ne la cherchez pas, expliqua le policeman, dans ces explosions de dynamite qui se produisent au hasard, en Russie ou en Irlande, actes de gens sans doute mal inspirés, mais réellement opprimés. Le vaste mouvement dont je parle est philosophique, et l’on y distingue un cercle intérieur et un cercle extérieur. On pourrait même désigner le cercle extérieur par le mot « laïc » et le cercle intérieur par le mot « sacerdotal ». Je préfère ces deux étiquettes, plus claires : section des innocents et section des criminels. Les premiers, les plus nombreux, sont de simples anarchistes, des gens convaincus que les lois et les formules ont détruit le bonheur de l’humanité. Ils croient que les sinistres effets de la perversité sont produits par le système précisément qui admet la notion de la perversité. Ils ne croient pas que le crime engendre la peine : ils croient que la peine engendre le crime. Pour eux, le séducteur, après avoir séduit sept femmes, serait aussi irréprochable que les fleurs du