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dans le peuple, le niveau normal du courage et de la vertu. Mais il serait peu prudent de confier à des policemen ordinaires des recherches qui constituent une chasse aux hérésies.

Une curiosité sympathique allumait le regard de Syme.

— Que faites-vous donc ? demanda-t-il.

— Le rôle du policeman philosophe, répondit l’homme en bleu, exige plus de hardiesse et de subtilité que celui du détective vulgaire. Celui-ci va dans les cabarets borgnes arrêter les voleurs. Nous nous rendons aux « thés artistiques » pour y dénicher les pessimistes. Le détective vulgaire découvre, en consultant un grand livre, qu’un crime a été commis. Nous, nous diagnostiquons, en lisant un recueil de sonnets, qu’un crime va être commis. Notre mission est de monter jusqu’aux origines de ces épouvantables pensées qui inspirent le fanatisme intellectuel et finissent par pousser les hommes au crime intellectuel. C’est ainsi que nous arrivâmes juste à temps pour empêcher l’assassinat de Hartlepool, et cela uniquement parce que M. Wilks, notre camarade, un jeune homme très habile, sait pénétrer à merveille tous les sens d’un triolet.

— Pensez-vous qu’il y ait vraiment un rapport aussi étroit entre l’intellect moderne et le crime ?

— Vous n’êtes pas assez démocrate, répondit le policeman, mais vous aviez raison de dire, tout à l’heure, que nous traitons trop brutalement les criminels pauvres. Je vous assure que le métier,