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Le Président, d’un ton glacé, lui coupa la parole, et répéta : « Y a-t-il quelqu’un pour appuyer cet amendement ? » Un homme long et maigre, la barbiche à l’américaine et la mine fatiguée, se leva lentement au dernier banc.

— Que tout cela finisse ! répéta Gregory. Tandis qu’auparavant il criait comme une femme, il s’était fait maintenant un changement dans son ton, et c’était plus effrayant que s’il eût crié. Les syllabes tombaient lourdes de sa bouche, comme des pierres. Écoutez ! Je vais mettre fin à tout cela : Cet homme ne saurait être élu par vous. C’est un…

— Eh bien ? demanda Syme, impassible, eh bien ! C’est un… quoi ?

Gregory fit deux fois, sans y parvenir, un grand effort pour prononcer un mot, un certain mot, puis on vit le sang lentement affluer à son visage jusqu’alors mortellement pâle.

— Cet homme ne connaît rien à notre œuvre, dit-il enfin, il manque totalement d’expérience…

Et il se laissa tomber sur son banc. Avant qu’il se fût assis, l’individu long et maigre à la barbiche à l’américaine s’était de nouveau dressé.

— Je suis favorable à l’élection du camarade Syme, répétait-il de sa voix nasillarde.

— L’amendement sera donc présenté à vos suffrages, déclara le président : il s’agit de savoir si le camarade Syme…

— Camarades ! gémit Gregory, qui s’était dressé à son tour, je ne suis pas fou !