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Gregory reprit sa promenade de long en large, pour méditer. Il était en proie aux affres de la diplomatie. Il voyait bien que Syme, grâce à sa présence d’esprit et à son impudence, saurait se tirer de toutes les difficultés ; rien, donc, à espérer de ce côté. Quant à lui-même, Gregory, il ne pouvait trahir Syme, partie par honneur, partie par prudence : qu’il le trahît, en effet, et que, pour une raison ou pour une autre, il ne parvînt pas à l’anéantir, le Syme qui s’échapperait serait un Syme affranchi de toute obligation et qui s’en irait directement au poste le plus voisin. Après tout, il ne s’agissait que d’une séance de délibération, en présence d’un seul policier. Gregory veillerait à ne pas laisser discuter les plans secrets, cette nuit-là, puis il laisserait Syme partir et attendrait le résultat…

Il revint vers les anarchistes, qui commençaient à prendre place sur les bancs.

— Il est temps de commencer, à ce qu’il me semble, dit-il. Le bateau à vapeur attend. Je propose que le camarade Buttons prenne la présidence.

On approuva à mains levées, et le petit homme au lorgnon prit possession du siège présidentiel.

— Camarades, débuta-t-il d’une voix crépitante comme une décharge de pistolet, notre réunion de ce soir est importante, mais elle pourra être brève. Notre section a toujours eu l’honneur d’élire Jeudi au Conseil Central Européen. Nous avons élu un grand nombre de fameux Jeudis. Nous