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CHAPITRE III

JEUDI

Avant qu’aucun des nouveaux venus eût paru Gregory s’était ressaisi. D’un bond, avec un rugissement de bête sauvage, il fut auprès de la table, saisit le revolver et mit Syme en joue.

Syme, sans s’émouvoir, leva d’un geste poli sa main pâle :

— Ne soyez pas ridicule, dit-il avec une dignité ecclésiastique. Ne voyez-vous pas que c’est inutile ? Ne voyez-vous pas que nous sommes embarqués tous les deux dans le même bateau ? J’ajoute que nous avons passablement le mal de mer l’un et l’autre, par-dessus le marché.

Gregory ne pouvait parler ; il ne pouvait davantage faire feu. Et ce qu’il eût voulu dire et ne pouvait, ses yeux le disaient.

— Ne voyez-vous pas que vous m’avez fait mat et que je vous ai fait mat ? reprit Syme. Je ne puis vous dénoncer à la police comme anarchiste. Vous ne pouvez me dénoncer aux anarchistes comme policier. Je ne puis faire qu’une chose : vous surveiller, sachant qui vous êtes, et, de votre côté, vous n’avez qu’une chose à faire : me surveiller, sachant qui je suis. En somme, c’est un