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— Oui, j’ai un secret… Jurez-vous ?

Gregory le regarda fixement, avec gravité, longtemps, et, tout à coup :

— Il faut que vous m’ayez ensorcelé ! s’écria-t-il. Mais vous excitez furieusement ma curiosité. Oui, je jure de ne rien dire aux anarchistes de ce que vous me direz. Mais dépêchez-vous, car ils peuvent être ici d’une minute à l’autre.

Syme, avec lenteur, fourra ses longues mains blanches dans les poches de son pantalon gris. Au même instant, cinq coups furent frappés au judas, annonçant l’arrivée des premiers conspirateurs.

— Eh bien, commença Syme sans se presser, je ne saurais exprimer la vérité plus brièvement qu’en vous disant ceci : votre expédient de vous déguiser en inoffensif poète n’est pas connu seulement de vous et de votre président. Il y a quelque temps que nous en sommes informés, à Scotland Yard.

Gregory, par trois fois, tenta de sauter en l’air, sans y parvenir.

— Que dites-vous ? fit-il d’une voix qui n’avait rien d’humain.

— C’est vrai, dit Syme avec simplicité, je suis un détective. Mais il me semble que voici venir vos amis.

On entendait un murmure de « Joseph Chamberlain ». Le mot fut répété, deux, trois fois d’abord, puis une trentaine de fois et l’on entendit la foule des Joseph Chamberlain — auguste et solennelle image — qui arrivaient par le corridor.