Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vraiment ! dit Syme, sèchement, vous vous fournissez très bien en vins.

Et après un silence, Gregory ajouta : « Oui. Nous sommes sérieux en tout. » Et il ajouta :

— Si, dans quelques instants, cette table se met à tourner un peu, n’attribuez pas le phénomène au champagne que vous avez bu. Je ne voudrais pas que vous vous fissiez injure.

— Eh bien, dit Syme parfaitement calme, si je ne suis pas ivre, je suis fou. Mais je pense que je saurai me conduire convenablement dans l’un et l’autre cas. Puis-je fumer ?

— Certainement !

Et Gregory tira un étui de sa poche. Syme choisit un cigare, en coupa la pointe avec un coupe-cigare qu’il tira de la poche de son gilet, le porta à la bouche, l’alluma lentement et exhala un épais nuage de fumée. Il eût pu être fier d’avoir accompli ces rites avec tant de sérénité, car, pendant ce temps, la table s’était mise à tourner, lentement d’abord, puis très vite, comme à quelque folle séance de spiritisme.

— Ne faites pas attention, dit Gregory, c’est une espèce de tire-bouchon.

— C’est cela même, consentit Syme, toujours placide, une espèce de tire-bouchon. Que cela est donc simple !

Le moment d’après, la fumée de son cigare, qui avait flotté jusqu’alors dans la pièce en serpentant, prit une direction verticale, comme si elle montait