Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment étonnant qu’elle était « confortable ». Ils étaient habitués aux catastrophes ; ils furent stupéfaits de l’heureuse tournure que prenaient les choses. Ils ne pouvaient pas se faire la moindre idée de ce qu’étaient ces voitures, ils se contentèrent de savoir que c’étaient des voitures, et des voitures capitonnées. Ils ne savaient pas du tout qui était le vieillard qui les avait conduits ; ils se contentèrent de savoir qu’il les avait conduits jusqu’à ces voitures.

Syme s’abandonnait au destin. Tandis que les roues tournaient, il regardait passer l’ombre fuyante des arbres. Tant que l’initiative avait été possible, il avait tenu haut son menton barbu. Maintenant que tout échappait à ses mains, il s’abandonnait. Bientôt, sur les coussins, il perdit conscience de l’heure et des choses.

Vaguement, insensiblement presque, il s’aperçut toutefois que la route était belle, que la voiture franchissait la porte de pierre d’une sorte de parc, puis gravissait une colline, boisée à gauche et à droite, mais soigneusement cultivée. Peu à peu, comme s’il sortait d’un sommeil bienfaisant, il se mit à prendre à toutes choses un singulier plaisir. Il y avait des buissons, et il s’aperçut qu’ils étaient ce que doivent être des buissons, des murailles vivantes ; car un buisson est comme une armée humaine, d’autant plus vivante qu’elle est plus disciplinée. Il y avait de grands ormeaux, au-delà des buissons, et Syme songea au plaisir des enfants qui pouvaient y grimper. Puis, la voiture décrivit