Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/253

Cette page a été validée par deux contributeurs.

neur et de la tristesse. C’étaient les mêmes cheveux blancs, les mêmes larges épaules vêtues de gris, que j’avais vus de la rue. Mais, de derrière j’étais sûr de voir une brute ; de face, je crus qu’il était un Dieu.

Pan, murmura le professeur comme dans un rêve. Pan était un Dieu et une bête.

— Alors, et toujours depuis, continua Syme, comme s’il se fût parlé à lui-même, tel fut pour moi le mystère de Dimanche. Or, c’est aussi le mystère du monde. Quand je vois ce dos effrayant, je me persuade que la noble figure n’est qu’un masque. Mais que j’entraperçoive seulement, dans un éclair, cette figure, et je sais que ce dos est une plaisanterie. Le mal est si mauvais que nous ne pouvons voir dans le bien qu’un accident. Le bien est si bon qu’il nous impose cette certitude : le mal peut s’expliquer. Mais toutes ces rêveries culminèrent, pour ainsi dire, hier, quand je poursuivais Dimanche pour prendre un cab et que je me trouvais constamment derrière lui.

— Avez-vous eu alors le temps de penser ? demanda Ratcliff.

— J’ai eu le temps d’avoir cette pensée unique, et affreuse : je fus envahi par cette impression que le derrière du crâne de Dimanche était sa vraie figure — une figure effrayante qui me regardait sans yeux. Et je m’imaginai que cette homme courait à reculons et dansait en courant.

— Horrible ! fit Bull en frissonnant.