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Le nuage ambulant de leurs ennemis avait tout à fait disparu de l’horizon.

La voiture contourna un bouquet d’ormeaux, et le mufle du cheval faillit frapper à la tête un vieillard assis sur un banc, devant un petit café à l’enseigne du Soleil d’Or. Le paysan murmura une excuse et descendit de son siège. Les détectives descendirent à leur tour, l’un après l’autre, et adressèrent au vieillard quelques phrases de politesse. À ses manières accueillantes, on devinait en lui le propriétaire de l’auberge. C’était un vieux bonhomme aux cheveux blancs, à la figure ridée comme une pomme, aux yeux somnolents, à la barbe grise. Un sédentaire, inoffensif, type assez commun en France, et plus encore dans les provinces catholiques de l’Allemagne. Tout, autour de lui, sa pipe, son pot de bière, ses fleurs, sa ruche, respirait une paix immémoriale. Seulement, en entrant dans la principale pièce de l’auberge, les visiteurs aperçurent un sabre fixé contre le mur.

Le colonel salua l’aubergiste comme un vieil ami, entra dans le débit et commanda quelques obligatoires rafraîchissements.

Syme fut frappé de voir que le colonel affectait, dans ses mouvements, une décision toute militaire.

Quand le vieil aubergiste fut sorti, il profita de l’occasion pour satisfaire sa curiosité :

— Puis-je savoir, colonel, demanda Syme à voix basse, pourquoi nous sommes venus ici ?