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ses vieux jours, sympathiserait sûrement avec eux et consentirait même à courir quelques risques pour les aider. Ils se juchèrent donc sur les fagots et commencèrent, un peu bousculés par les cahots de la grossière voiture, à descendre la pente, assez rude, de la forêt. Si lourd et grinçant que fût le véhicule, on allait vite, et bientôt les détectives constatèrent avec satisfaction que la distance s’allongeait d’une manière appréciable entre eux et leurs ennemis.

Mais comment les anarchistes avaient-ils pu réunir un si considérable contingent ? La question restait sans réponse. De fait, il avait suffi de la présence d’un seul homme pour les mettre en fuite : les détectives avaient pris la fuite en reconnaissant le monstrueux rictus du secrétaire.

De temps à autre, Syme regardait par-dessus son épaule. Comme la distance faisait paraître la forêt plus petite, Syme aperçut les versants ensoleillés de la colline qui encadraient le petit bois, et sur les versants s’avançait le carré noir de la foule en marche, compacte : on eût dit un monstrueux scarabée. Dans la pleine lumière du soleil, Syme, grâce à sa vue très perçante, presque télescopique, distinguait les individus. Mais il était de plus en plus surpris de voir qu’ils se déplaçaient comme un seul homme. Les vêtements étaient sombres, les chapeaux n’avaient rien de remarquable. C’était n’importe quelle foule, comme on en peut voir dans n’importe quelle rue. Mais cette foule ne se