Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rustique, en pleine solitude. Il a mis la main probablement sur l’univers, et ce champ est la dernière redoute dont il ait encore à s’emparer, ainsi que de tous les imbéciles qui s’y trouvent. Vous vouliez savoir pourquoi je redoutais l’arrivée de ce train ? Je vais vous le dire : c’est parce que Dimanche ou son secrétaire vient justement d’en descendre.

Syme laissa échapper un cri. Ils tournèrent, tous, les yeux vers la petite gare lointaine : en effet, un groupe considérable de gens se dirigeaient vers eux. Mais la distance ne permettait pas encore de les distinguer.

— C’était une habitude de feu M. le marquis de Saint-Eustache, dit le nouveau policeman en tirant de sa poche un étui de cuir, d’avoir toujours sur lui des jumelles d’opéra. Ou le Président ou le secrétaire nous poursuit, à la tête de cette armée de bandits. Dans la paisible solitude où ils nous surprennent, nous n’aurons pas la tentation de violer quelque serment en faisant appel à la police… Je crois, docteur Bull, que vous verrez plus clair avec ces jumelles qu’avec vos lunettes, dont toutefois je ne méconnais pas la valeur décorative.

Le docteur s’empressa d’ôter ses lunettes et porta à ses yeux les jumelles qu’on lui offrait.

— Sûrement, dit le professeur, un peu ébranlé, la situation n’est pas aussi désespérée ; ces gens sont en nombre, mais pourquoi ne seraient-ils pas tout simplement de paisibles touristes ?