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de s’arrêter dans une petite gare derrière la colline voisine.

Syme avait la sensation qu’une vague énorme se dressait au-dessus de lui et allait, en s’effondrant, l’emporter aux abîmes.

Il fit deux pas dans un monde qu’il ne comprenait qu’à demi, saisit le nez classique du remarquable gentilhomme et tira. Il tira fort, et le nez lui resta dans la main.

Les collines boisées et les nuages considéraient Syme, qui, lui-même, solennel et ridicule, considérait l’appendice de carton, inerte entre ses doigts. Les quatre témoins étaient immobiles et silencieux, comme Syme. Le marquis rompit le silence.

— Si quelqu’un de ces messieurs croit pouvoir utiliser mon sourcil gauche, dit-il tout à coup très haut, je tiens l’objet à sa disposition. Colonel Ducroix, permettez-moi de vous offrir mon sourcil gauche ! Cela peut servir, un jour ou l’autre.

Et, gravement, il arracha son sourcil gauche, et, avec le sourcil, la moitié de son front ; puis, bien poliment, il tendit le tout au colonel, qui se tenait là, rouge et muet de colère.

— Si j’avais su que je servais de témoin à un poltron ! bredouilla le colonel, à un homme qui se masque pour se battre !…

— Bon ! bon ! fit le marquis en continuant de semer sur le pré différentes parties de son individu. Vous vous trompez ! Mais je ne puis m’expliquer pour le moment. Vous voyez bien que le train est en gare ! qu’il va partir !