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eût presque dit un roi. Non pas un roi chrétien, toutefois ! C’était plutôt l’un de ces tyrans formidables, mi-grecs mi-asiatiques, qui contemplaient, aux jours où l’esclavage passait pour une institution naturelle, la Méditerranée couverte de leurs galères, où ramaient les esclaves tremblants. Ainsi, songeait Syme, devaient se profiler leurs traits bronzés sur le vert sombre des oliviers et l’ardent azur de la mer.

— Allez-vous faire un discours devant le meeting ? demanda le professeur, sur le ton de la raillerie, en voyant Syme debout et immobile.

Syme but un dernier verre de vin mousseux.

— Oui, dit-il en montrant du doigt le marquis et ses deux compagnons, je vais faire un discours aux messieurs de ce meeting. Ce meeting me déplaît : je vais tirer le grand vilain nez d’acajou de ce meeting !

Ce disant, il se dirigea vers la table, d’un pas très rapide, sinon très sûr.

À sa vue, le marquis, surpris, leva ses noirs sourcils assyriens, mais esquissa aussitôt un sourire poli.

— Vous êtes monsieur Syme, si je ne me trompe, dit-il.

Syme s’inclina.

— Et vous êtes le marquis de Saint-Eustache, fit-il avec beaucoup de grâce : permettez-moi de vous tirer le nez.

Il se penchait déjà pour joindre l’acte à la