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l’acteur-professeur ; c’est plaisir de travailler avec vous. Oui, j’ai un gros nuage dans la tête… Et ce terrible problème à résoudre !

Il serra son front chauve dans ses mains, puis, à voix basse :

— Jouez-vous du piano ?

— Oui, dit Syme un peu étonné : on dit même que je n’en joue pas mal.

Puis, comme l’autre ne parlait plus :

— J’espère que le gros nuage a passé, reprit Syme.

Après un long silence, le professeur, du fond de l’ombre caverneuse de ses mains, murmura :

— Il m’eût été tout aussi agréable d’apprendre que vous savez pianoter sur une machine à écrire.

— Merci, dit Syme, vous me flattez.

— Écoutez-moi, reprit le professeur, et rappelez-vous qui nous devons voir demain. Vous et moi, demain, nous tenterons quelque chose de bien plus difficile que de voler les joyaux de la Couronne dans la Tour de Londres. Nous tenterons d’arracher son secret à un homme très fort, très fin et très méchant. Il n’y a, je crois, personne, après le Président, d’aussi formidable que ce petit homme, avec son sourire et ses lunettes. Il n’a peut-être pas l’enthousiasme chauffé à blanc du secrétaire ni sa folie du martyre. Mais le fanatisme du secrétaire a je ne sais quoi de pathétique, d’humain ; c’est un trait qui le rachète. Le petit docteur jouit d’une robuste santé, plus révoltante mille fois que