l’un d’eux, son impression n’en était pas modifiée. Cet endroit était non seulement agréable, il était parfait pour peu qu’on le considérât non comme truqué mais plutôt comme un rêve. Si ce n’étaient pas des artistes qui habitaient là, l’ensemble n’en avait pas moins un caractère artiste.
Ce jeune homme, par exemple, avec ses longs cheveux châtains et sa mine impertinente, ne voyez pas en lui un poète : c’est un poème.
Ce vieux monsieur, avec sa vaste barbe sauvage et son vaste et sauvage chapeau, ce vénérable charlatan, ce n’est pas un philosophe : c’est un thème de philosophie.
Ce personnage aux apparences doctorales, au crâne chauve et brillant comme un œuf, au long cou décharné comme celui d’un oiseau, n’a aucun droit aux dehors de savant qu’il se donne ; il n’a fait aucune découverte en biologie : mais n’est-il pas lui-même la plus extraordinaire créature que puissent étudier les biologistes ?
Voilà, disons-nous, le bon point de vue d’où il convenait d’observer le faubourg de Saffron Park : non pas un atelier d’artistes, mais une œuvre d’art, délicate et parfaite. On avait, en y entrant, l’impression qu’on allait prendre part à quelque comédie.
Ce charme de l’irréel était surtout sensible le soir, quand les toits bizarres se découpaient en valeurs sombres sur le couchant et que tout le chimérique endroit se détachait, en quelque sorte, visiblement du monde ordinaire, comme une nuée