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nerveux du secrétaire. C’était un de ces hommes qui sont consciencieux jusque dans le crime.

— J’ai le devoir de protester, Président, contre cette irrégularité ! dit-il. C’est une des règles fondamentales de notre société, que tous les plans doivent être discutés en plein conseil. Sans doute, et je rends pleinement hommage à votre prudence, en présence d’un traître…

— Secrétaire, interrompit le Président, très sérieusement, si vous rapportez votre tête chez vous, essayez donc de la faire cuire, comme un navet ; peut-être alors sera-t-elle bonne à quelque chose. Toutefois, je n’affirme rien.

Lé secrétaire étouffa un rugissement de fureur.

— En vérité, murmura-t-il, je ne puis comprendre…

— Parfaitement, dit le Président en inclinant la tête à plusieurs reprises, c’est bien cela ! vous ne pouvez comprendre, et cela vous arrive assez souvent. Voyons ! âne bâté que vous êtes ! rugit-il en se levant. Vous ne vouliez pas qu’un espion nous entendît, hein ? Or, que savez-vous si, en ce moment même, un espion ne nous entend pas ?

Sur ces mots, il quitta la pièce en haussant les épaules.

Des cinq hommes qui restaient dans le cabinet, quatre ouvraient la bouche, écarquillaient les yeux ; ils paraissaient au comble de l’étonnement. Syme seul se doutait de la vérité, et ce doute le faisait frissonner jusque dans la moelle de ses os. Si les