Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’assiettes, et la réponse m’apparut aussi évidente que l’église de Saint-Pierre. C’était la démarche d’un garçon d’hôtel — le corps en avant, les yeux baissés, les orteils effleurant le sol ; les basques de l’habit et la serviette volant au vent de la course. Je réfléchis encore une minute et le crime m’apparut aussi clairement que si j’avais été sur le point de le commettre moi-même.

Le colonel Pound fixait curieusement le prêtre, mais les doux yeux gris de celui-ci restaient attachés au plafond, avec une expression soucieuse et distraite.

— Un crime, dit-il, est une œuvre d’art comme une autre. Ne sursautez pas. Les crimes ne sont certes pas les seules œuvres d’art qui sortent de l’atelier infernal. Mais toute œuvre d’art, qu’elle soit divine ou diabolique, porte toujours une marque distinctive, à laquelle on ne peut manquer de la reconnaître — son centre est simple, si complexe que puisse être sa réalisation. Ainsi, dans Hamlet, par exemple, le caractère grotesque du fossoyeur, les fleurs de la jeune fille folle, la parure fantasque d’Osric, la pâleur du fantôme et le ricanement du crâne sont autant d’objets étranges, tressés en une sorte de guirlande confuse, autour de la simple et tragique figure d’un homme vêtu de noir. Eh bien, ceci aussi, dit Brown, avec un sourire, en descendant lentement de son siège, ceci aussi n’est que la simple tragédie d’un homme vêtu de noir. Oui, continua-t-il, remarquant l’étonnement du colonel, toute cette histoire gravite autour d’un habit noir. Ici, comme dans Hamlet, nous rencontrons certaines excrois-