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légèreté, s’assit à côté du colonel Pound, en balançant ses courtes jambes, comme un petit garçon perché sur une barrière, et entama son histoire avec autant d’aisance que s’il la contait à un vieil ami, devant une flambée de Noël.

— Voyez-vous, colonel, dit-il, j’étais enfermé dans cette petite chambre, en train d’achever certaines écritures, lorsque j’entendis, dans ce corridor, une paire de pieds dansant une danse aussi bizarre que la danse des morts. D’abord, de drôles de petits pas rapides, comme si l’on avait couru sur la pointe des pieds, ensuite de grandes enjambées nonchalantes et bruyantes, comme si un homme de haute taille s’était promené, devant la porte, en fumant son cigare. Mais j’aurais juré que c’était le même homme. Les deux bruits se succédaient à intervalles réguliers : la course, puis la promenade, puis de nouveau la course. Je me demandai d’abord vaguement, puis anxieusement, dans quel but ce personnage pouvait bien jouer ces deux rôles. Je reconnaissais parfaitement l’une des démarches, c’était la vôtre, colonel. C’était l’allure d’un gentleman bien nourri, attendant quelque chose, et qui marche, beaucoup plus parce qu’il se sent physiquement bien dispos, que parce qu’il éprouve une inquiétude morale. Je sentais que je connaissais aussi l’autre démarche, mais je ne pouvais me rappeler ce qu’elle me suggérait. Quel pouvait bien être l’animal rencontré, au cours de mes pérégrinations, qui fuyait sur la pointe des pieds, de cette étrange manière ? J’entendis alors un bruit