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— Mais vous ne l’avez pas fait, dit le colonel Pound, examinant la fenêtre brisée.

— Pour être franc, non, je ne l’ai pas fait, dit l’autre, non sans humour. Et il s’assit gravement sur un tabouret.

— Mais vous savez qui l’a fait ? dit le colonel.

— Je ne connais pas son vrai nom, repartit le prêtre avec calme, mais je sais quelque chose de sa force et une foule de choses, concernant ses difficultés spirituelles. J’ai pu apprécier son physique, quand il tenta de m’étrangler, et son moral, quand il s’est repenti.

— Oh, par exemple… repenti ! cria le jeune Chester, avec une sorte de croassement hilare.

Le Père Brown se leva, mettant les mains derrière le dos.

— Étrange, n’est-ce pas, dit-il, qu’un voleur et un vagabond se repente, alors que tant d’autres qui sont riches et à l’abri du besoin restent endurcis et frivoles, sans rien produire pour l’amour de Dieu ou des hommes ? Mais ici, si vous me permettez une observation, vous empiétez un peu sur mon domaine. Si vous doutez de la pénitence comme d’un fait positif, voilà vos couteaux et vos fourchettes. Vous êtes les Douze Vrais Pêcheurs, et voilà tous vos poissons d’argent. Mais Il m’a fait un pêcheur d’hommes.

— Avez-vous attrapé cet homme ? demanda le colonel, en fronçant les sourcils.

Le Père Brown le regarda bien en face :

— Oui, dit-il, je l’ai attrapé à l’aide d’un hameçon mystérieux et d’une ligne invisible, assez