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était simplement dans le mouvement. Aucun parti ne pouvait se permettre de l’ignorer et, s’il l’avait voulu, il aurait pu devenir ministre. Le vice-président, le duc de Chester, était un jeune politicien de grand avenir. C’est dire que c’était un jeune homme d’aspect agréable, avec des cheveux clairs aplatis sur le crâne, un visage grêlé, une intelligence médiocre et d’énormes propriétés. Chaque fois qu’il paraissait en public, il remportait un succès marqué. Sa méthode était d’ailleurs des plus simples. S’il avait une plaisanterie toute prête, il ne manquait pas de la faire, et était considéré comme brillant. S’il n’en avait pas, il disait que ce n’était pas le moment de plaisanter, et était considéré comme profond. Dans l’intimité, dans un club de son monde, il était tout simplement jovial, franc et un peu sot, comme un écolier. M. Audley, n’ayant jamais fait de politique, la traitait un peu plus sérieusement. Il provoquait même parfois une certaine gêne, dans le club, en suggérant qu’il pouvait y avoir quelque différence entre un libéral et un conservateur. Il était lui-même conservateur, même dans la vie privée. Il laissait retomber un rouleau de cheveux gris sur le col de son habit, comme certains hommes d’État vêtus à l’ancienne mode. Vu de dos, il semblait être le grand homme que l’Empire réclame ; vu de face, il avait l’aspect d’un doux célibataire un peu égoïste, avec un appartement à l’hôtel Albany — ce qu’il était en réalité.

Comme je l’ai fait remarquer, il y avait place pour vingt-quatre personnes sur la terrasse, et