Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/80

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce ne pouvait être un domestique ou un messager attendant une réponse. Dans une oligarchie comme la nôtre, les pauvres gens se promènent parfois de long en large, lorsqu’ils sont sous l’influence de la boisson, mais ils se tiennent ordinairement immobiles, debout ou assis, surtout dans un milieu luxueux comme celui-ci. Non, ce pas lourd et pourtant élastique, où un air d’importance s’alliait à une certaine désinvolture, ce pas qui, sans faire grand bruit, ne se soucie pas du bruit qu’il peut faire, n’appartenait qu’à un seul animal au monde, à un gentleman de l’Europe occidentale qui n’avait sans doute jamais travaillé pour vivre.

Au moment où cette certitude s’imposait à l’esprit du prêtre, les pas se changèrent en une course rapide et passèrent devant la porte, vifs comme le trot d’un rat. Le Père Brown remarqua que, malgré sa plus grande vitesse, ce pas causait beaucoup moins de bruit, comme si l’on avait marché sur la pointe des pieds. Ce bruit n’évoquait pourtant pas chez lui l’idée de mystère, mais quelque chose d’autre — quelque chose qu’il ne pouvait se rappeler. Il était tourmenté par un de ces demi-souvenirs qui semblent nous priver d’une partie de nos facultés. Il avait certainement déjà entendu quelque part cette marche rapide. Mu par une soudaine inspiration, il se leva et se dirigea vers la porte. La chambre ne présentait pas d’issue s’ouvrant directement sur le corridor. Elle donnait, d’un côté, sur le bureau vitré et, de l’autre, sur le vestiaire. Il tenta d’ouvrir la porte du bureau, mais elle était fermée. Puis il