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vu) il n’y avait pas d’autres bottes dans le couloir, ensuite parce qu’elles produisaient le même léger craquement. Le Père Brown avait l’esprit trop actif pour ne pas chercher à résoudre une telle question, mais, cette fois, son cerveau faillit éclater. Il avait vu des gens courir pour mieux sauter. Il en avait vu d’autres courir pour mieux glisser. Mais dans quel but pourrait-on courir pour marcher ? Ou bien encore, dans quel but marcherait-on pour courir ? Et comment décrire autrement les entrechats auxquels se livrait cette paire de jambes invisibles ? Ou bien leur possesseur marchait très rapidement, dans une partie du corridor, pour marcher très lentement, dans l’autre ; ou bien il marchait très lentement à une extrémité, pour avoir l’ivresse de marcher vite à l’autre. Aucune de ces suppositions ne semblait tenir debout, et le cerveau du prêtre s’emplissait de ténèbres, comme la chambre dans laquelle il se trouvait.

Pourtant, au fur et à mesure qu’il réfléchissait, l’obscurité même de sa cellule semblait raviver ses idées. Il se représenta, dans une sorte de vision, les pieds fantastiques gambadant le long du corridor, dans des attitudes monstrueuses et symboliques. Était-ce peut-être une danse religieuse païenne ? Ou une nouvelle espèce d’exercices scientifiques ? Le Père Brown tenta de définir avec plus d’exactitude les images que ces pas lui suggéraient. À commencer par les plus lents, ce n’était certainement pas ceux du propriétaire. Des gens comme lui marchent rapidement, en se dandinant, ou se tiennent assis.