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un étroit cabinet, sans autre issue que ces deux chambres, que le propriétaire utilisait parfois, pour y régler certaines affaires délicates et importantes, comme de prêter mille livres à un duc ou de refuser de lui prêter six pence. Dans un mouvement de superbe générosité, M. Lever permit à un vulgaire prêtre de profaner ce sanctuaire, et d’y griffonner, sur un bout de papier, durant près d’une demi-heure. L’histoire que le Père Brown écrivait était sans doute beaucoup plus intéressante que celle-ci, mais elle restera à jamais inconnue. Tout ce que je sais, c’est qu’elle était à peu près aussi longue et que ses deux ou trois derniers paragraphes étaient moins captivants, moins absorbants que le reste.

Au moment où il commençait à les écrire, le prêtre se laissa distraire, et ses sens particulièrement aigus se réveillèrent. L’heure des ténèbres et du dîner approchait ; le petit cabinet oublié n’était pas éclairé et, comme il arrive souvent, le crépuscule envahissant contribuait à affiner l’ouïe du Père Brown. En rédigeant la dernière partie de son document, il s’aperçut que sa plume suivait le rythme d’un bruit régulier, venant du dehors, comme la pensée obéit parfois au mouvement de lacets d’un train. Dès qu’il devint conscient de ce phénomène, il se rendit compte de sa cause ; ce n’était qu’un bruit de pas, devant la porte, chose bien naturelle dans un hôtel. Il n’en fixa pas moins le plafond de plus en plus obscur, et écouta, vaguement d’abord, puis attentivement, la tête légèrement inclinée. Il se rassit