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— Vraiment ! s’écria le docteur étonné, et qui est-ce ?

— Son nom était Arnold Becker, dit le sous-détective, quoiqu’il en ait porté bien d’autres. C’est une fripouille d’humeur vagabonde, et on sait qu’il a visité l’Amérique. C’est ainsi que Brayne a dû le prendre en grippe. Nous n’avons pas eu beaucoup à faire à lui, car il travaillait surtout en Allemagne. Nous nous sommes naturellement mis en communication avec la police allemande. Mais, chose curieuse, il avait un frère jumeau, du nom de Louis Becker, avec lequel nous avons eu plus d’un compte à régler. En fait, nous avons été obligés de le guillotiner pas plus tard qu’hier. C’est une chose baroque, monsieur, mais, quand je l’ai vu couché plat par terre, sur la pelouse, je n’ai jamais été aussi épaté de ma vie. Si je n’avais pas vu, de mes yeux, guillotiner Louis Becker, j’aurais juré voir Louis Becker couché là dans l’herbe. Mais je me suis alors souvenu de son frère d’Allemagne, et, en suivant cette piste…

Ivan s’arrêta dans ses explications, pour l’excellente raison que personne ne l’écoutait plus. Le commandant et le docteur regardaient tous deux le Père Brown qui avait sauté debout brusquement et se tenait les tempes comme s’il souffrait d’une douleur violente.

— Arrêtez ! Arrêtez ! criait-il. Taisez-vous un instant, car je vois la moitié. Dieu me donnera-t-il la force ? Mon esprit fera-t-il le saut qui éclairera tout ? Que le ciel me soit en aide ! J’étais jadis capable de nouer deux idées en-