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des étrangers y jeter des mandats-poste. Il avait enfin, la réputation d’être un prodigieux acrobate ; malgré sa haute taille, il pouvait bondir comme une sauterelle et s’évanouir, au sommet des arbres, comme un singe. De sorte que le grand Valentin, lorsqu’il se mit à la poursuite de Flambeau, prévoyait parfaitement que ses aventures ne finiraient pas lorsqu’il l’aurait trouvé.

Mais comment le trouver ? Ses idées n’étaient pas encore fixées sur ce point.

Il y avait une chose que Flambeau, malgré toute son adresse, ne pouvait parvenir à cacher : sa haute taille. Si l’œil vif de Valentin avait aperçu une grande marchande de fruits, un grand grenadier ou même une duchesse de taille suffisamment élevée, il les eût sans doute arrêtés sur-le-champ. Mais, parmi tous les voyageurs de son train, il n’y avait personne qui pût être un Flambeau déguisé ; une girafe se cacherait aussi vainement sous la peau d’un chat. Valentin avait examiné à loisir les passagers du bateau. Six personnes seulement étaient montées à Harwich et au cours du trajet. C’était un petit employé de chemin de fer se rendant au terminus de la ligne, trois jardiniers, en dessous de la moyenne, montés deux stations plus loin, une toute petite veuve, venant d’une petite ville d’Essex, et un tout petit prêtre catholique romain, venant d’un petit village d’Essex. Lorsque ce dernier apparut, Valentin renonça à ses recherches et se mit à rire. Le petit prêtre personnifiait si bien les plaines de l’Est ; son visage était aussi rond et aussi banal qu’une pomme du