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je m’en vais vous dire quelque chose qui dépasse tout. Je suis sorti de la maison pour découvrir quelque trace de son passage. Et j’en ai trouvé une, et une fameuse encore.

— Que veux-tu dire ? demanda Valentin.

— Je vais vous la montrer, dit le domestique, et il rentra en brandissant un sabre de cavalerie dont la pointe et le tranchant étaient tachés de sang. Tous les assistants le regardèrent comme si la foudre avait pénétré dans la chambre ; mais Ivan, en vieux limier, continua avec le plus grand calme :

— J’ai trouvé ceci, dit-il, parmi les buissons, à cinquante pas sur la route de Paris. En d’autres termes, je l’ai trouvé à l’endroit précis où votre respectable M. Brayne le jeta, en se sauvant.

Il y eut, de nouveau, un silence, mais empreint d’autres sentiments. Valentin prit le sabre, l’examina, réfléchit, sans affecter aucune concentration de pensée, et se tourna enfin respectueusement vers O’Brien.

— Commandant, dit-il, nous sommes certains que vous consentirez toujours à nous montrer cette arme, si la police en réclame l’examen. Dans l’entretemps, ajouta-t-il en remettant la lame dans le fourreau sonore, permettez-moi de vous rendre votre épée.

Devant le symbolisme militaire de cette action, les auditeurs purent à peine s’empêcher d’applaudir.

Ce geste, pour Neil O’Brien, fut le point de départ d’une nouvelle vie. Lorsqu’il se retrouva, le lendemain, errant de nouveau dans le jardin