Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.

colère, comme s’il eût été un rival et non un père ; le clair de lune l’affolait. Il se trouvait capturé, comme par magie, dans un jardin de troubadour, dans une féerie de Watteau. Afin de réagir, par la parole et l’action, contre ce charme stupide, il s’avança vivement vers son ennemi. Dès les premiers pas, il buta contre un arbre ou contre une pierre, dans l’herbe. Il se baissa, pour mieux voir, d’abord avec colère, puis avec curiosité. L’instant d’après, la lune et les hauts peupliers assistèrent à un spectacle peu ordinaire — celui d’un diplomate anglais courant de toutes ses forces et criant et hurlant dans sa course.

Ces rauques clameurs attirèrent, à la porte du bureau, le visage pâle, le pince-nez brillant et le front soucieux du docteur Simon, qui entendit les premiers mots que le noble lord parvint à articuler. Lord Galloway criait :

— Un cadavre, dans l’herbe — un cadavre sanglant !

Quant à O’Brien, il avait entièrement perdu la tête.

— Nous devons prévenir immédiatement Valentin, dit le médecin, lorsque l’autre eut décrit d’une voix brisée tout ce qu’il avait osé examiner. Il est heureux qu’il soit ici.

À cet instant, l’illustre détective entra dans le bureau, attiré par les cris. En toute autre circonstance, on se serait amusé de suivre la transformation qui s’opéra dans son attitude. Il était entré, avec les manières d’un hôte et d’un gentleman, craignant que l’un de ses invités ou quelque domestique ne fût tombé malade. Lors-