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d’eux un accueil bien cordial, et qui s’avançait maintenant vers lui. C’était le commandant O’Brien, de la légion étrangère. Il était élancé, de démarche quelque peu fanfaronne, rasé de frais, les cheveux noirs, les yeux bleus. Il avait l’allure à la fois crâne et mélancolique, comme il sied à un officier appartenant à un régiment qui s’est rendu fameux par ses victorieuses défaites et ses triomphants suicides. C’était, de naissance, un gentleman irlandais, et il avait connu, dans sa jeunesse, les Galloway — tout spécialement Margaret Graham. Il avait dû quitter son pays, où il s’était lourdement endetté, et affichait, à présent, son mépris complet de l’étiquette anglaise en portant partout son uniforme, son sabre et ses éperons. Lorsqu’il avait salué la famille de l’ambassadeur, Lord et Lady Galloway s’étaient inclinés avec raideur, et Lady Margaret avait détourné le regard.

Mais quel que fût l’intérêt que ces personnes pouvaient ressentir l’une pour l’autre, leur hôte illustre n’en éprouvait aucun pour elles. Aucune d’elles ne représentait, pour lui, le principal invité de la soirée. Valentin avait convié à son dîner, pour certaines raisons spéciales, un homme d’une réputation universelle, dont il s’était fait un ami au cours d’une de ses glorieuses tournées de détective aux États-Unis. C’était le multimillionnaire Julius K. Brayne, dont les énormes et même parfois écrasantes donations à d’obscures sectes religieuses provoquèrent tant de plaisanteries faciles, tant de solennelles tirades, plus faciles encore, dans la