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comment sa voix avait pu arrêter un train. Il avait une expression lugubre, des cheveux noirs aplatis sur le crâne, un visage incolore, et quelque chose d’asiatique dans la coupe horizontale de sa bouche et de ses yeux bridés. On ignorait d’ailleurs sa race et son nom. Sir Aaron l’avait « sauvé », alors qu’il était garçon de restaurant à Londres ; on disait même qu’il cumulait avec cet emploi une profession infâme. Sa voix était aussi vivante que son visage était morne. Soit pour être certain d’être compris dans une langue qui ne lui était pas familière, soit par déférence pour son maître (qui était un peu sourd), la voix de Magnus avait acquis une sonorité particulièrement perçante, et tout le groupe sursauta lorsqu’il ouvrit la bouche.

— J’avais prévu que cela arriverait, dit-il très haut, avec une audacieuse assurance. Mon pauvre vieux maître se moquait de mes vêtements noirs, mais j’ai toujours dit que je serais prêt pour l’enterrer.

Et il leva légèrement ses deux mains gantées de noir.

— Sergent, dit l’inspecteur Gilder, regardant avec colère ces mains noires, ne mettez-vous pas les menottes à ce gaillard ? Il me paraît plutôt dangereux.

— C’est que, monsieur, dit le sergent avec le même regard étonné, je ne sais pas si nous pouvons le faire.

— Que voulez-vous dire ? demanda l’autre brusquement. Ne l’avez-vous pas arrêté ?

Une grimace méprisante élargit la fente de la