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dant au nom de Merton) conduisait le petit prêtre, à travers champs, vers la voie ferrée, leur conversation avait déjà pris un tour quasi confidentiel.

— Pour autant que je sache, avouait Merton, il est impossible d’y voir clair. On ne peut soupçonner personne. Magnus est un solennel vieil imbécile, bien trop sot pour être un assassin. Royce a été le meilleur ami du baronnet depuis des années, et il est évident que la jeune fille adorait son père. Et puis, toute l’affaire est trop absurde. Qui songerait à tuer un joyeux vieux bonhomme tel qu’Armstrong ? Qui souillerait ses mains du sang d’un orateur de banquet ? On assassinerait aussi bien le Père Noël.

— Oui, c’était une joyeuse maison, dit le Père Brown. Tout au moins, tant qu’il y a vécu. Croyez-vous qu’elle le sera encore, maintenant qu’il est mort ?

Merton s’arrêta surpris, et regarda son compagnon avec intérêt :

— Maintenant qu’il est mort ? répéta-t-il.

— Oui, reprit le prêtre, avec insistance, il était gai, c’est vrai. Mais communiquait-il cette gaieté à son entourage ? Franchement, y avait-il quelqu’un de gai dans la maison, sauf lui ?

Une fenêtre s’ouvrit dans l’esprit de Merton, et laissa pénétrer cette étrange et surprenante lueur, à l’aide de laquelle nous voyons, pour la première des fois, des choses que nous connaissons depuis toujours. Il avait souvent visité les Armstrong, à propos de certaines enquêtes que le philanthrope demandait à la police d’entre-